Rusengese, le 25 mars 1928.
Mon cher papa, ma chère mother,
Je suis sur une copette ( sommet, cime en wallon liégeois ) entourée de nuages, il pleut et il vente ; au hasard des idées, je vais un peu bavarder avec vous, racontant pêle-mêle des nouvelles des T.O. peu intéressantes peut-être, mais les seules que je connaisse.
Je ne pense pas vous avoir écrit longuement depuis mon arrivée à Usa – commençons par là. Je fus reçu là-bas par le brave administrateur Coulon, dont j’ai souvent parlé (et qui rentre fin de terme et de carrière) et par le commandant des troupes T.O. Duvivier (ancien de Kigali).
A Usa, on se déplace en moto ou en auto … en moto donc on me conduit chez le Lieutenant Colonel Pieren, ex-chef de Mission de Délimitation et maintenant, directeur de société commerciale et minière. Je fus très bien reçu et fus heureux de retrouver Black, le vieux chien de Vandenberg, oublié à Albertville et recueilli par des amis …
Avec le Colonel Pieren, nous avons beaucoup parlé « mission » – c’est avec lui que j’avais été chassé les zèbres et antilopes au Kisorka en 1924 et c’est lui que j’ai remplacé à la mission en ’26.
Il a maintenant une très belle situation. Après les découvertes d’étain dans le Kisorka – nous avions marché là, sans le savoir, dans des millions de cassitérite ! – il a été délégué de la Banque de Bruxelles pour les concessions. Comme il connaissait bien la région, il a mené la chose très bien. Il y a eu des contestations avec d’autres sociétés, notamment la Forminière, mais, à présent, un syndicat minier s’est formé, avec à la base un arrangement qui contente tout le monde. Le Colonel Pieren rentre bientôt en Europe et restera à la tête de l’affaire pour ce qui concerne les rapports avec le Gouvernement. Sa fortune est assurée !
Ces gisements miniers du Nord Est du Rwanda sont dans la partie cédée à la Belgique par les anglais en 1923. Les anglais, pour cette fois, se sont fait roulés ! quoique ce fut un droit et qu’on ignorait la présence de l’étain à cette époque.
L’exploitation commencera bientôt et fera grand bien au pays, surtout pour la main-d’œuvre car des milliers de Banyarwanda allaient travailler périodiquement chez les anglais ; et aussi parce que les T.O. , qui n’ont jamais rien rapporté et qui n’avaient comme richesses que le bétail et la population, vont avoir une ressource peu ordinaire.
Le trafic du minerai se fera malheureusement sans doute par chez les anglais, car les routes rejoignant le lac Victoria à Nyanza, routes automobiles, sont déjà faites et, de là, il y a le chemin de fer jusqu’à la mer : Mombasa. Ce sera cependant un tort, et la chute d’Usumbura.
Aussi, essaie-t-on de trouver une route directe : Kisaka – Yabibu – Kigali-Nyanza-Butare-Usumbura par la forêt et la vallée de la Ruzizi. Pour le moment, il n’existe qu’une route très longue et qui ne peut pas être qualifiée de « route automobile » par Rwamagana – Gakibu – Kigali – Kabgayi – Butare- Ngozi – Kitega – Usumbura. Cette route fait des détours formidables ; elle est au moins 1/3 trop longue et le transport reviendrait trop cher, surtout qu’à Usa, il y a encore le lac, puis le chemin de fer ( mais chemin de fer avec bases belges aux extrémités ) Kigoma – Dar-es-Salam, pour arriver à la mer. On va cependant tâcher de faire la concurrence par ce côté, au point de vue national plus favorable ; et, au pire, pour ne pas que les anglais, ayant la seule voie d’accès par la mer, ne puissent nous mettre le couteau sur le gorge.
La région des mines était à peu près complètement cartographiée ; ce qui a facilité rudement la tâche des concessionnaires et de l’Etat ; et ce qui a gagné beaucoup de partisans à la « mission » ; plusieurs personnes m’ont dit : « Si nous n’avions pas eu la carte, nous ne nous serions pas tirés d’affaires ! ».
Il manque une partie du lac Mohasi entre Kigali et Gakibu, que nous ferons le plus tôt possible.
Outre le Syndicat Minier pour les mines d’étain, il y a plusieurs sociétés aux T.O. Entre autres, une près du lac Kivu pour la culture des arbres résineux et des arbres à tanin ; et une compagnie cotonnière dans la région d’Usumbura et la vallée de la Ruzizi. Cette dernière est formée par les députés Mathieu, Anseele et le Boerenbond ;.. les prolétaires organisés en capitalistes ! Il y a aussi nombre de petits colons qui débordent de l’autre côté du lac Kivu. L’autre rive du lac Kivu est pleine de colons, jusque déjà très loin à l’intérieur. Il y a les groupes de Ligne, Lippens, van Crombrugge, etc… et des italiens, des belges, de toutes sortes …
Avec la Minière des Grands Lacs, qui a la propriété du sous-sol dans la chaîne de montagnes voisines, ces groupements agricoles vont former un Comité Spécial du Kivu, où le Gouvernement sera pour une bonne part et qui fonctionnera à peu près comme le Comité Spécial du Katanga. J’ai déjà pensé que comme topographe, il y aura peut-être, d’ici quelque temps – temps rapproché – une bonne place pour moi là dedans .. mais n’anticipons pas.
J’en ai déjà parlé à M. Maury et à plusieurs « légumes »,mais je mets beaucoup de conditions, dont celle de rester à l’active à l’Armée Belge. Ce qui me sourit là dedans, ce sont des termes d’un an et demi au lieu de 3 !
Il y a encore au lac Kivu, l’architecte Jaspar qui cherche les emplacements pour les Grand Hôtel Européen s’inspirant des beautés du lac, pour construire des palaces « assortis » à Uvira, Bukavu, Kisegnyi, etc … et former quelque part une nouvelle Héliopolis.
Prévoyant déjà que les milliardaires, las du Caire, iront chercher plus au cœur de l’Afrique le lieu de villégiature up-to-date ! Ils viendront, paraît-il, en avion du Caire en remontant le Nil et la suite des lacs africains, pour venir se baigner dans le Kivu et fox-trotter entre une ascension de volcan et une chasse au gorille … (apprivoisé !). Est-ce un avenir si lointain ? Peut-être que non !
En attendant, il n’y a encore rien de fort changé aux T.O.
Il y a bien des automobiles, mais il n’y a qu’une route où elles s’aventurent Usa-Kitega ; la majorité même se contentant de tourner en rond dans les postes d’Usa ou de Kitega.
Enfin, il y a progrès car, il y a trois ans, les motos étaient rares et, au Ruanda, elles sont encore peu nombreuses.
Si les routes suivent, on pourra bientôt supprimer le plus gros du portage.
Un poste qui se développe très fort, à cause du transit et des colons du Kivu, c’est Uvira, port sur le Tanganyka en face d’Usumbura et où j’ai séjourné en fin 1925.
Il y avait alors un administrateur et un commerçant et quelques colons au Nord, colons fort tranquilles.
A présent, il y a toute une petite ville, on aménage le port, il y a des autos qui font le transport Uvira-Bukavu (sur le lac Kivu et chef-lieu du district) vers la région des colons.
On ne reconnaît plus Uvira.
Bref, le pays se développe peu à peu ; ce ne sont pas encore les cités champignons américaines, ni même le Katanga … mais on commence.
Un bazar qui n’avance pas, c’est la nouvelle capitale des T.O. …Astrida !
Astrida … je n’ai vu que Butare, l’ancien Butare. Il y a bien en plus quelques hangars, un camp de la F.P. ( Force Publique ) en paille, un camp des T.P. (travaux publics).
Sept petites maisons en briques sèches et … provisoires pour l’ingénieur, conducteur des travaux, menuisier, charpentier, etc… qui doivent construire et puis rien !
Si, un formidable bazar pousse de terre, une « Kolossale » résidence pour le gouverneur mais en briques sèches et « provisoire» évidemment ! Enfin, il paraît qu’Astrida se fera tout de même et que l’on amènera l’eau des montagnes, à coups de millions, qu’on plantera des millions d’eucalyptus pour couper le vent souvent trop violent et que ce sera un petit paradis .. en tous cas à 1750 m, il ne fait pas malsain. Et Viva Astrida ;.. qui vivra te verra !
Lors de mon passage à Usa, je suis allé chez le Gouverneur trois fois. Lui-même et sa femme ont été fort aimables… Madame m’envoie des journaux anglais et de la confiture ;.. le Gouverneur est fort porté pour la mission et a fait et fera tout son possible pour que nos demandes obtiennent satisfaction au ministère.
Il rentrera en congé fin d’année, mais le résident de l’Urundi rentre aussi … et c’est lui qui avait proposé, comme f.f. de gouverneur, toutes les suppressions. Il ne pourra donc plus nous jouer le même tour.
Je suis passé en remontant vers le Nord, par l’ancienne route, ou à peu près, que j’avais faite comme première caravane en 1924 d’Usa à Kigali. Je suis passé en plus à Muramvia, sinon Ngozi, Butare, Nyanza et Kabgayi.
A Kabgayi, la tour de l’église est achevée. J’ai été revoir le séminaire, c’est bizarre de voir tous ces gamins noirs causer français (de les entendre plutôt !). Je suis aussi passé à une nouvelle mission près de Muramvia : Bukeye. Les pères, dont un que je connaissais du terme passé, s’installent en pays païen. En 4 mois, ils ont une maison convenable pour eux, un morceau de chapelle, un magnifique potager en plein rendement, des espaces de forêts d’eucalyptus et des milliers de caféiers à venir… Beaucoup de colons pourraient prendre exemple sur eux.
A Nyanza, j’ai revu le vieux singe de Musinga. Plus laid que jamais, on est heureusement en train de lui enlever tout ce qui lui reste de puissance. On va lui construire un « palais » en briques, et là, il pourra régner, mais entre les murs ! Pourvu qu’on ne tarde plus trop car sa mauvaise influence se fait encore sentir.
A Nyanza aussi, j’ai revu le vieux chef Sebagangali, qui m’avait accompagné en forêt. Il était tout content de me revoir et ça m’a fait plaisir aussi. Pauvre vieux, il a été malade et ne vivra plus longtemps.
Un autre chef Bishinga qui, auparavant, était saoul du matin au soir, sale et abruti, m’a rudement surpris. Je lui ai dit « bonjour Bishinga » machinalement, mais sitôt après, je me suis dit « mais ce n’est pas Bishinga, c’est son fils ! » C’était bien lui … mais il ne boit plus, est propre (relativement) et paraît rajeuni de 10 ans au moins. L’administrateur qui avait obtenu ce résultat en était très fier ;.. surtout que c’est un grand chef et que l’administration du pays s’en ressent.
Plusieurs grands chefs ont été invités par l’Union Minière (qui recrute ici du personnel) à faire un tour au Katanga. On les a promenés partout et on leur a montré une masse de choses. Ils sont revenus émerveillés mais ils disent qu’ils ont vu trop de choses pour les retenir … ils ont appris à manger à l’européenne, à porter des souliers et ont tous « attrapé » la malaria … pauvres noirs et pauvre U.M., comme propagande pour le recrutement des travailleurs, ce n’est pas fameux que les chefs reviennent tous malades du Katanga !
Mon séjour à Usumbura, toujours en visite, et à Bagatelle, toujours dans les caisses, puis ce voyage sans rien faire que des étapes fixées, sur des routes, et des soirées assez longues avec les résidents des postes ou d’autres personnes rencontrées dans les gîtes d’étapes, m’avaient fort fatigué.
Malgré le plaisir de rencontrer d’anciennes connaissances, c’était toujours la vie désoeuvrée fort semblable au voyage Marseille-Usa et fort déjetée.
Je fus très heureux de retrouver les signaux, les montagnes, les ennuis et les charmes de la vie de brousse. Je retrouvai le major Hoier il y a huit jours, en un lieu typique, où les nègres sont rares et encore non habillés, et où l’on est maître après Dieu et … le vent ! Une de ces belles copettes d’ancienne forêt, fougères, 2650 m, vent, pluie, froid, horizon splendide. Je retombais dans mon élément ; dans une drache épouvantable, j’arrivais au-dessus où le major m’attendait devant un brasero et entouré dans une robe de chambre !
Le major Hoier n’a pas perdu son temps pendant mon congé, à part le temps où Madame et Grethe étaient encore ici – peut-être ! Il a « reconnu » et presque tout mesuré la 3ème transversale partant du Kivu au Kisaka.
Le départ de Madame Hoier, et surtout de Grethe, lui avait causé beaucoup de peine. Et il reproche un peu à Madame d’être venue pour si peu de temps. Il prétend qu’elle n’était que mieux portante depuis qu’elle était arrivée aux T.O. – que c’est toujours ainsi … elle lui écrit maintenant qu’elle regrette l’Afrique et quand elle est en Afrique, elle regrette l’Europe … « J’ai renoncé depuis longtemps à comprendre la femme, dit le major, et surtout à comprendre la mienne ! »
De fait, ce voyage a été beaucoup critiqué partout, car cela a coûté fort cher au gouvernement. Les médecins ont dit à Madame Hoier qu’elle ne pouvait plus revenir en Afrique sous aucun prétexte.
Le major, qui aime l’Afrique et a peur de ne pas savoir se réhabituer à l’Europe, où il n’a d’ailleurs pas de situation, ne sait pas se décider à quitter. Contrairement à ce que je pensais, il ne quittera pas cette année. Il dit que ce qui lui fait surtout de la peine, c’est la séparation ; surtout parce qu’il voit que cela cause beaucoup de chagrin à Grethe. Alors, il préfère rester ici jusque l’année prochaine, il aura alors ses 18 ans de service effectif et pourra prendre sa pension complète et tâchera de se refaire à l’Europe. Tandis que s’il rentrait maintenant, il devrait encore se séparer une fois des siens et ça lui en coûterait trop.
C’est cela qu’il dit ; mais au fond, je pense qu’il tient trop à l’Afrique et aux T.O. et tient à y rester le plus longtemps possible.
Comme il a toujours été et est encore on ne peut plus aimable avec moi, je ne suis aucunement contrarié dans mes projets (Monsieur Maury peut-être bien !) et je suis même content.
S’il partait, je deviendrais chef de mission et aurais de l’avancement et serais un peu plus en vue ;.. mais, comme maintenant, j’ai beaucoup d’ennuis en moins et un ami en plus. Ce qui pourrait arriver, c’est que, en apprenant cela, M. Maury le désigne pour une autre mission ou me désigne, moi, pour ailleurs. Cela changerait la question, mais je ne pense pas que cela arrivera. A moins que la situation ne se prolonge trop longtemps.
Car, la triangulation des T.O. sera terminée complètement cette année, je pense. Il reste les calculs de la 3ème transversale, une chaîne de raccord du Kivu au Tanganyka et des réseaux secondaires à établir par-ci par-là.
Pour la cartographie, il reste beaucoup. Il n’y avait plus qu’un cartographe et encore a-t-il été fort malade et fort paresseux pendant mon congé. Nous allons en recevoir 2 nouveaux mais il faudra les dresser ; et peut-être ne conviendront-ils pas car on ne devient pas cartographe sans avoir certaines dispositions.
D’un autre côté, ni le major, ni moi n’avons envie de nous mettre à la cartographie pour longtemps … mais d’ici l’an prochain, il y aura du changement sans doute.
Le ravitaillement va être rétabli et nous avons du matériel en suffisance, surtout que j’ai fait envoyer et suis venu avec un tas de choses.
Pour le moment, je suis en train de mesurer aux derniers signaux de la chaîne, aux environs du lac Kivu sur la rive Est. Les indigènes d’ici sont plutôt des Bakiga, gens travailleurs et grands coupeurs de forêt, qui a presque entièrement disparue ici, alors qu’on voit très bien que tout a été boisé. Ces gens ont beaucoup moins le caractère esclave que ceux de l’intérieur et sont plus intéressants et … difficiles à conduire !
Nous laisserons l’île Idjwi et le Sud du lac pour plus tard et d’ici une quinzaine irons calculer à Kisenyi, la belle plage du Kivu, ou à Kigali, chef-lieu du Ruanda et ma première résidence, où je ne suis pas encore retourné depuis 25. Il paraît qu’on nous attend là-bas et que nous avons, parmi les nouvelles constructions, deux chambres réservées ! J’ai encore pas mal de connaissances là-bas, surtout le commissaire du district Coubeau, grand ami du major Hoier, et avec lequel je suis toujours resté en relations assez intimes. Je dois retrouver le major Hoier d’ici quelques jour pour décider ;.. la presque totalité des mesures sera alors terminée.
L’autre jour, j’ai reçu une boîte de dragées … de notre adjudant chef d’escorte, à l’occasion de la naissance du bébé, qui l’empêchait de faire son service quand j’avais besoin de lui à Usa. Ce n’est pas un mauvais type, mais il est bête et naïf au possible. En recevant ses lettres, qui sont toujours fort longues pour ne rien dire, nous rions le major et moi parfois aux larmes … tant il y a des fautes et tant c’est bête.
Il écrit par exemple « M. X est « passer » … nous l’avons reçu, car « s »’est un brave type et je vous le dis franchement et « ardiment », il pourra nous rendre service plus tard » etc.
Je suis très content ici, content d’avoir repris mon ancienne vie. J’ai repris mon théodolite, mes carnets, mes montagnes, la tente et Philibert. J’ai retrouvé des vieux jass et d’anciens porteurs permanents, ça commence à marcher. Quand j’aurai de bons boys, j’aurai de nouveau une caravane modèle !
Il me manque encore quelques histoires par ci, par là … surtout une cuisinière portative et un cuisinier !
Je suis justement revenu en pleine saison des pluies et sur des hautes montagnes; au début, ce froid et ces douches vous font regretter un peu le confort d’un toit et, de temps en temps, je pense que je ne serais pas plus mal dans un poste, avec une bonne maison, et … une femme ! mais ça passe, car partout on a ses ennuis et le soleil revient et fin ?… sont parties ces tristes pensées.
Je pense aussi souvent au congé et au foyer où il faisait si bon vivre, mais ça, ce n’est pas pour le regretter – pourquoi des regrets – c’est plutôt des souvenirs réconfortants.
Bref, je suis très heureux ici et, s’il n’y avait pas ce bon congé auquel je pense souvent et qui me laisse de si bons souvenirs de vie de famille et de vous tous, c’est comme si je n’avais pas quitté.
Voilà ici ma même tente, ou à peu près, les caisses dans le même ordre, une montagne, des huttes, un signal … Il fait clair ; à l’Est, une immense étendue de plateaux ; au Nord, les volcans ; au Sud, les hautes montagnes de la 2ème chaîne, de vieilles connaissances à l’Ouest, le lac Kivu … je suis chez moi !
La même laide et sympathique tête de mon soldat préféré vient me dire que les rations sont prêtes … c’est la même vie, mais heureusement, en brousse, ce n’est jamais la même chose !
Et voilà 5h30 et je griffonne depuis 3h je crois … peut-être avant. Peu importe, j’ai terminé ici et attends mes porteurs pour demain seulement. Je profite de ce demi-congé pour bavarder longuement, je crois que pour du bavardage en voilà assez … l’écriture s’en ressent … et je devrais encore écrire à Tensette une petite tartine aussi … je pense bien souvent à elle et à Alice et Nico. Heureusement, elle paraît mieux se plaire qu’au terme passé … comme c’est dommage que nous ne pouvons nous voir de temps en temps !
Je ne vais pas écrire par ce courrier à toute la famille et connaissances, le temps me manque et j’ai épuisé tout ce que je pourrais raconter.
Une litanie de grosses baises et d’affectueux souvenirs à toute la famille et à toutes les connaissances. J’espère avoir bientôt de bonnes nouvelles de tous. Mille baisers à Marie, Ferdinand, Dédé et Monique, à l’abbé ( son frère Charles ), à Nite ( son frère Maurice ) et Albert, Luce, Didine ( sa sœur Suzanne) et Jimmy ; à tante Maria ( tante paternelle ) , à Heusy ( tante maternelle ) , affectueux souvenir aux de Lamotte ( belle-famille de sa soeur Marie ), Ghysens ( cousins du côté maternel ), Hustinx, Fossoul, …
Mes plus affectueux pour vous, mon cher papa et ma chère mother.
Votre bien affectionné,
Léon
P.S. J’ai reçu quelques photos du major, je les enverrai sous peu car il faut que j’augmente ma collection. Il y a des magnifiques photos du Kivu, des volcans et aussi de types noirs et de scènes de vie indigène à prendre ! Courage, mon major !
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La question de la nationalité au Kivu
L’Union Minière dans la tourmente