Lemera, 21/9/28
Mon bien cher papa,
Je n’avais pas terminé ma lettre à mother que je reçois la tienne du 10 août.
Tensette est donc à Liège à cette heure ! Puisse dieu faire que cet événement n’apporte que du bonheur à tous ; comme j’attendrai impatiemment des nouvelles !
Voilà le pauvre oncle Jo sans doute parti. C’est une délivrance – on ne peut guère s’en attrister. Pourvu que les neveux respectent au moins sa mémoire, question héritage. Il y en a bien qui sont capables de se quereller !
Je suis vraiment peiné de la triste nouvelle que tu m’apprends : la rupture des fiançailles de Germaine.
Pauvre petite Germaine, elle méritait mieux. Il est cynique ce jeune homme qui prend une jeune fille pour un médicament que l’on rejette quand ça ne plaît plus … la cure ne lui semblait pas efficace ? Il y a des gens qu’on devrait enfermer pour abus de confiance, ils sont plus dangereux que les voleurs de grands chemins !
Vraiment, le malheur s’acharne sur Terpoorten. La maladie de Marthe – est-elle guérie au moins ? – et ceci maintenant ; ce n’est pas ce qu’il fallait au caractère énigmatique et renfermé de Germaine ; elle va certainement se faire plus de chagrin que cela n’en vaut … pauvre petite, ce n’est pas gai pour elle, ni pour tante Gaby et oncle Albert, ni pour ses frères et sœurs, les ennuis mondains à part même. Je lui souhaite qu’un brave garçon la console bientôt. Pourquoi pas ?
Et la petite Madeleine s’en va à Lourdes ! C’est beaucoup demander que demander un miracle et un miracle seul peut la guérir n’est-ce pas ? Enfin, elle trouvera à Lourdes, comme Germaine aussi j’espère, la meilleure des consolations.
Oui, mon cher papa, je me rappelle la fête du 15 août de l’an passé, comme je me rappelle tous les bons jours passés au milieu de vous, bien souvent et toujours avec le même plaisir. J’espère qu’elle s’est bien passée et que l’approche de l’arrivée de Tensette et d’Alice l’a encore égayée. T’es-tu bien reposé à Clervaux ?
Comme je te raconte tout ce qui m’arrive – il fait que je te dise un secret … pas bien grave ! J’ai reçu 3 lettres d’Europe, une du Cdt Joris, une du Colonel Piron et une du camarade Coulon … tous trois me parlent longuement de mon avenir. Il n’y a rien encore que des projets … des rêves, mais il se pourrait que d’ici quelques temps, il y ait du nouveau. En attendant, je suis très heureux comme je suis !
Il n’y a rien de neuf par ici, j’ai quitté les hauts plateaux pour descendre dans la vallée de la Ruzizi. Il y fait très chaud, mais c’est supportable ; je ne suis pas loin d’Usa (la correspondance y gagnera peut-être un peu de vitesse) ; j’en ai dans ces parages jusque mi-novembre, avant de retourner aux bords du Lac Kivu.
Le major est toujours à l’intérieur, encore pour un mois probablement. Il m’écrit régulièrement et est très sensible aux messages que tu lui envoies ; il me charge pour toi et mother de son « respectueux souvenir ».
Encore merci de ta bonne lettre, mon bien cher papa, reçois tous mes plus affectueux baisers.
Léon