VAILLANT – 20 novembre 1929

CHRONIQUE COLONIALE

UNE ELITE S.V.P.

Nous devons parler cette semaine du rôle civilisateur du colonial. 
Ceci est très général ; précisons : conditions requises pour que I’oeuvre du colonial soit efficace. 

Dans la chronique précédente, nous disions que l’action du missionnaire était la plus féconde pour ces raisons : « parce qu’il avait  su gagner la confiance de l’indigène par la connaissance des langues et coutumes; parce qu’il a su s’imposer à son respect par la régularité de sa vie et le titre de représentant de Dieu; parce qu’il a su gagner sa sympathie, par son dévouement à l’amélioration de son sort. » 

Une formation dans la métropole est nécessaire. Cette vie coloniale exceptionnelle  exige une préparation exceptionnelle.Le premier point énuméré plus haut, la connaissance des langues, rentre dans cette préparation antérieure. Il n’y a pas que des qualités intellectuelles à acquérir. Le candidat colonial doit être doté de qualités physiques et morales, encore une fois exceptionnelles.  

La responsabilité plus grande en colonie exige du colonial un caractère droit, un esprit éclairé, de même que son autorité plus étendue, son indépendance et sa liberté supposent une forte discipline personnelle et un caractère trempé.
Le Blanc est appelé au Congo à commander, punir, récompenser, être maître absolu de ses actes, tâche difficile, mission périlleuse pour ceux qui ont toujours été guidés, suivis et surveillés.
il est nécessaire aussi de documenter les futurs coloniaux sur la véritable physionomie de la vie africaine de peur qu’ils ne partent là-bas avec une mentalité de conquistadors ou avec des illusions d’apôtre. Nous ne sommes plus aux temps héroïques de Stanley ou de Livingstone.

D’autre part, ce n’est pas encore la vraie vie européenne avec ses raffinements de confort et de plaisirs. lci encore, le Blanc doit s’armer d’une volonté solide : en fait de distraction, il ne trouvera en Afrique que les réunions de quelques amis européens, un peu de musique (phono ou piano), la lecture, et quelques sports praticables là-bas, c’est-à-dire le tennis, le foot-ball, l’auto (et encore, quand les routes sont carrossables!). Celui qui ne peut trouver à se récréer par ces distractions sera voué au cafard, à l’ennui ou à d’autres plaisirs beaucoup plus redoutables, « le whisky, par exemple et pour ne citer que lui ».
Comme tous les autres domaines de l’activité humaine, la vie coloniale a besoin d’ « élites ». D’élites et non pas des déchets de la métropole. Ce fut la regrettable erreur des débuts de la colonisation: les débauchés et les désabusés trouvaient dons l’expatriement un moyen do refaire leur vie ; ils s’embarquaient avec leurs tares et leurs vices. La civilisation des indigènes a subi les tristes conséquences de leurs exemples pernicieux. Nous ne nous chargerons pas ici de rechercher les responsabilités.
Relevons simplement celle anecdote qui donne le motif de cette facilité d’admissions : « Vraiment, disait un jour un personnage de Ia cour au roi Léopold II, c’est épouvantable de penser quels fonctionnaires sont envoyés au Congo » – « Monsieur, lui dit le roi, combien avez-vous de fils ? » – « Mais, Sire, trois ». –  « Voulez-vous me Ies donner pour le Congo ? » – « Votre Majesté veut rire ». – « Et bien, quand on ne peut pas choisir, on prend ce qu’on a ».

Le temps est passé, heureusement, où les parents et les prêtres retenaient les jeunes gens, prétextant qu’avec leurs talents ils pourraient réussir en Belgique, qu’ils étaient « trop vertueux » pour aller un Congo ! La colonie a cessé d’être le maquis hospitalier de la métropole; ce n’est pas trop tôt. Les bons éléments de la nation, en particulier les catholiques, il faut bien l’avouer, n’ont pas fait leur devoir ; à part quelques exceptions, ils se sont abstenus. Aussi n’ont-ils pas le droit de crier au scandale si dans l’œuvre de colonisatlon, dlgne d’admiration dans son ensemble, il y a de graves défauts. 
A eux de réparer, à eux de prendre les places, les places influentes.  

                                           Maurice Haulet




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