1. La villa Haulet

C’est un peu par hasard que je découvre sur internet une reproduction d’un plan de la « villa Haulet » tiré d’un article de la revue « Science Connection » numéro 47 daté du 5 juin 2015. Cet article intitulé « Retracer l’histoire de sa maison » montre en illustration un avant-projet de reconstruction de la villa Haulet route de Dalhem au n° 8 à Visé, établi en 1919 par l’architecte Godefroid Hallen.

Nous savons, par la relation qu’il en a faite de la destruction de Visé en août 1914 par la soldatesque teutonne, que le docteur Léon Félix Haulet a été forcé de quitter Visé pour la Hollande et ensuite l’Angleterre ( https://haulet.be/gen/leon-haulet-levacuation-de-vise-en-1914/ ).
Sa maison, située route de Dalhem, et celles qu’il possédait, en indivision, avec sa soeur, Maria Haulet, possédait rue Porte de Lorette (on va y revenir) ont été détruites comme la plupart de celles de la ville.

Le dossier rebondit lorsque, encore par hasard, je découvre sur Facebook une reproduction d’une carte postale ancienne montrant la rue de Dalhem avant les destructions de 1914.

On y voit sur la droite l’église Saint-Martin et je reconnais immédiatement à l’arrière-plan, au centre, une bâtisse que j’identifie immédiatement comme étant l’ancienne maison de la famille Haulet. En effet, Il se fait que dans les archives familiales existait un plan de cette maison, plan que m’avait transmis Charles Haulet, et qui me permet d’identifier précisément qu’il s’agit bien de celle qu’habitait Léon Félix Haulet et sa famille et où il y avait également son cabinet.

On reconnait parfaitement l’agencement des fenêtres de la facade ouest et le balcon de la facade nord, surplombant le cabinet médical.
Ce plan a été établi le 23 novembre 1919 pour restituer l’état des lieux en juillet 1914, sans doute pour servir dans le dossier de reconstruction ou d’indemnisation qui sera soumis à l’Office des Régions Dévastées.

Mais les surprises ne s’arrêtent pas là ! Deux semaines après cette découverte, apparait, à nouveau sur Facebook, une autre carte postale datée de 1913 reprenant la même vue sous quasi le même angle mais avec, sans doute, une focale plus longue écrasant un peu les plans :

Les divers feuillages indiquent que cette dernière photo est bien plus récente que la précédente.

Mais là où l’affaire se corse, c’est suite d’une nouvelle carte postale qui montre l’église à moitié détruite donc datée d’au moins après août 1914 et bien évidemment à sa gauche la maison du docteur Haulet qui, non seulement paraît intacte mais n’est plus la même que sur les vues précédentes !

Le cube d’origine a laissé place à une bâtisse plus élégante. A regarder de plus près, il devient évident que c’est la même villa que celle représentée sur le plan d’avant-projet de reconstruction de l’architecte Hallen illustré en tête de cet article !

L’inclinaison de la toiture, l’ornementation de la facade, le balcon au-dessus de l’entrée ne laissent aucun doute. L’avant-projet de reconstruction de la villa Haulet concerne bien la maison visible sur la carte de 1914. Cela résout bien des questions tout en posant d’autres !
Le plan bleu, qui montre un bâtiment comme sur les deux premières cartes postales, mentionne qu’il s’agit « d’un état des lieux en juillet 1914 » a été réalisé en novembre 1919. Cela permet de penser que c’est cette maison, illustrée sur les deux premières cartes postales, qui a été fortement endommagée sinon détruite par les Allemands.

Dans son récit de l’invasion allemande à Visé le 4 août 1914, Léon-Félix mentionne que dans après-midi du 4, un obus, sans doute tiré depuis le fort de Pontisse, a touché la maison et saccagé le salon. Le 10 août, la flèche de l’église est dynamitée et s’ensuit l’embrasement total de celle-ci. Le 16 août, commence l’incendie systématique de la ville et toute la famille quitte la ville. Le 17 août, sa soeur Maria fait un aller-retour Dalhem-Visé et signale que leurs maisons n’ont pas encore brûlé (rue de Dalhem et rue Porte de Lorette). En Octobre, Léon-Félix signale que Maria s’est rendue à Visé et a constaté que les valeurs et titres enterrés dans le jardin ont disparu. Pas de précisions sur l’Etat de la maison.

L’état des lieux en juillet 1914 (plan bleu) a été sans doute établi en vue de la juste appréciation du dommage. Cela explique aussi pourquoi une nouvelle villa, telle que sur la 3éme carte postale l’ait remplacée.
Se pose alors les questions quand, comment et qui a fait reconstruire cette villa ? La 1ère pierre de reconstruction de la collégiale Saint-Martin a été posée le 13 avril 1924. L’O.R.D. – Office des régions dévastées – a opéré de 1920 à 1930 et a rebâti 300 maisons à Visé. On peut donc situer la construction de la Villa Haulet, telle qu’illustrée sur la 3ème carte postale et conforme au croquis de l’architecte Hallen (1919), entre 1920 et 1924.

Ce qui est bien établi, c’est que la famille Haulet ne s’est jamais réinstallée à Visé. En effet, elle quitte Lancaster en Angleterre début février 1919 pour s’installer à Liège rue Léon-Mignon le 9 avril 1919 après un court séjour à Verviers rue des Hospices dans une maison appartenant à Maurice Pollet-Duesberg et son épouse Lucie Haulet, soeur de Léon-Félix.
( Voir https://haulet.be/gen/exil-en-angleterre/ )
Toujours est-il que des dossiers ont été introduits à l’Office des Régions Dévastées, créé en 1920 en vue de la reconstruction. On en trouve trace à deux reprises sur search.arch.be :
Une première fois via l’architecte G. Hallen de Liège, auteur du croquis montré en introduction de ce texte, une seconde fois via un autre architecte : G. Rousseau de Hermalle-sous-Argenteau :

Qu’en est-il de cette villa ? Si elle est mentionnée dans les notes que Léon (fils) a rédigé dans un livre de comptes familial à l’occasion de la succession de son père Léon-Félix en 1932, il apparaît bien qu’elle ne fait pas partie du partage qui s’ensuivit.

Quel a été son sort ? Un jugement de 1936, à retrouver dans les archives, semble indiquer qu’une indemnité aurait été octroyée, à titre de dommages de guerre quant à la maison détruite route de Dalhem. A suivre…

2. Les terrains et maisons rue Porte de Lorette

Léon-Félix et sa soeur Maria avait hérité, en indivision, de leur mère Lambertine Paulus (1833-1912) épouse de Henri-Joseph III Haulet (1834-1897) de terrains et de 3 maisons sises à Visé rue Porte de Lorette, juste derrière la route de Dalhem. Il s’agit des maisons n° 3, 18 et 20 qui ont également été détruites comme 585 des 840 maisons de Visé.
Maria possédait quant à elle les maisons situées aux n° 14 et 16.
Ces immeubles sont mentionnés dans le Livre de Comptes tenus par Léon :

Ces maisons ont également été reconstruites par l’Office des Régions Dévastées :

Lors d’une visite à Visé le 11 décembre 2021, les 4 fils d’Albert Haulet, Jean-Pierre, Philippe, Dominique et Albert, ont pu gravir les marches menant à la chapelle Notre-Dame de Lorette en guise de promenade digestive après avoir dégusté, à l’enseigne « Chez Adam » place Reine Astrid, une aussi délicieuse qu’incontournable oie à l’instar de Visé !
Ils ont été consternés de voir que le début de la route de Dalhem, à l’opposé de la collégiale Saint-Martin, là où s’élevait la villa Haulet, était occupé par un immeuble moderne et un parking de grande surface !
Par contre, les 3 maisons de la rue Porte de Lorette semblent au rendez-vous. On peut voir sur certaines facades la marque de l’Office des Régions Dévastées.


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