Noël 1928
Mon bien cher papa, ma bien chère mother,
Voila revenue l’époque de l’année où il est, peut-être, le plus pénible d’être séparé des siens.
Je devais, pour Noël, retrouver le major Hoier à la mission des P.B. de Nyangizi ; hélas ! avant hier, j’ai « piqué » une bonne fièvre, la première de ce terme – si ce n’est pas jouer de malheur ! – ce ne fut pas grave, car je suis sur pied déjà ; mais pas en état encore de faire la grosse étape qui me sépare de Nyangizi, je suis bien forcé de passer cette journée seul à penser à vous tous et à ce que je ferais si j’étais chez nous … les messes, les chants et … les ???? (illisible)
A vrai dire, si je n’étais pas persuadé que nous avons ce jour le 25/12, et que je ne pensais pas à la Noël de chez nous, je ne m’apercevrais pas que c’est Noël ! Je suis sur une colline pas trop haute, il fait assez chaud ; comme vue, le signal, un village, un morceau du lac Kivu … Il n’y a, dans tout cela, pas même un air de dimanche !
Je m’en fais donc une raison et remets Noël à la fin de la semaine : j’irai retrouver le major là où il sera et passerai le dimanche à la mission.
J’ai reçu la lettre de
Je suis si content de savoir que tous, petits et grands, sont heureux et bien portants ; et surtout d’avoir des rassurantes nouvelles de Tensette ; je songe bien à elle ces jours-ci, que l’événement est si proche.
La terrible mort de Jean Laurenty est bien surprenante et bien triste. Pauvre Madame Laurenty, les épreuves ne lui sont pas épargnées ! Dieu veuille que ce malheur ait au moins la conséquence de faire rester Nic en Europe ; car, outre les obligations qu’il a envers sa femme et ses enfants, voilà qu’il en a d’autres et d’impérieuses envers sa mère.
Le dernier courrier m’a apporté l’agenda 1929. C’est tout à fait cela, mille fois merci. L’autre envoi n’est pas encore arrivé, je le regrette surtout pour les photos. Peut-être a-t-il fait le tour par Boma, ou est-il retenu à la poste pour la douane.
La succession d’oncle Jo est donc bien ce que l’on craignait : une suite de tripotages et de tiraillements entre cousins. C’est terrible qu’il y ait tant de gens qui, une fois qu’il s’agit d’argent, sont prêts à tout …
Par le dernier courrier, j’ai reçu une longue lettre de Madame Hoier et une de Grethe avec les « best compliments of the season ». Madame Hoier m’envoie aussi des cigarettes et Grethe un signet de livre très joli, du même métal que le porte-allumettes de l’an passé. Je suis confus de recevoir de si beaux cadeaux. Le major, toujours fort sensible à votre bon souvenir, m’a prié de vous remettre tous ses vœux pour 1929.
Il se trouve au Sud, dans l’escarpement et moi, plus près du lac Kivu. Nous resterons encore un mois sans doute dans les environs avant de continuer vers le Nord. Le pays est agréable, et les fortes pluies ont momentanément cessé.
Mon bien cher papa, ma chère mother, je vous laisse. Soyez assurés que toujours et, ces jours-ci surtout, je suis en pensée au milieu de vous et des frères et sœurs. Mille affectueux baisers à tous, sans oublier les tout-petits et Tante Maria. Je vous embrasse bien tendrement.
Léon
Lettre 17 bis
Ma bien chère mother,
Je relis encore ta bonne lettre de fin novembre et suis honteux d’y avoir si mal répondu.
Merci encore, mother, tu sais combien j’aime tes lettres si pleines de détails concernant tout et tous – c’est une vraie revue de toute la famille !
J’ai reçu une lettre de tante Gaby, qui me dit que tante Luce et toi-même avez tant acheté à la vente de la rue des Nerviens, que je retrouverai la moitié de la maison du pauvre oncle Jo à Liège et à Heusy … mais je sais qu’elle aime exagérer !
Elle loue aussi oncle Fernand pour la façon dont il a tout arrangé ; comme à toi, cela m’a fait grand plaisir. Et tout le monde doit lui être reconnaissant non seulement pour cela, mais aussi pour avoir négocié la réconciliation entre Léon et Fernand de C., qui était bien ennuyeuse pour toute la famille.
Quel dommage qu’il ne puisse être un peu plus énergique avec sa femme et ses beaux-parents !
J’espère au moins qu’il trouvera une occupation ou une distraction quelconque.
Je n’ai pas encore écrit à oncle Maurice pour le féliciter de sa nomination de chevalier de l’ordre de Léopold. Je suis certain que cela lui aura fait plaisir ainsi que et surtout à tante Luce !
Ma chère mother, j’espère que les tristes moments que tu as dû passer ces temps dernier n’auront pas eu de mauvaise influence sur ta santé et que les … ??? (illisible)
Je t’embrasse bien fort et affectueusement.
Léon