Le 18 août 1928, branle-bas de combat rue Léon Mignon ! Léon Félix emmène la famille pour 16 jours de vacances au Grand-Duché du Luxembourg, précisément à Clervaux.
Un cahier sera dédié à la relation de ces réjouissances et, à chaque jour, son auteur ! Ce sont ces récits que nous transcrivons ici, jour par jour.

Pour bien situer les choses, Léon Félix est alors agé de 57 ans tandis que son épouse Irma a 50 ans et 4 mois.

Ne sont pas du voyage les trois aînés : Léon remplit sa dernière mission de cartographie au Congo, Alice-Hortense (Tensette) est mariée depuis le 8 janvier 1924 avec Nicolas Laurenty et ils ont déjà une fille : Alice (15 septembre 1926) et sont en Afrique; Marie, enfin, est mariée depuis le 12 mai 1925 avec Ferdinand de Lamotte et ils ont déjà deux enfants (André 3 mai 1926 et Monique 22 septembre 1927). Toutefois, Marie et Ferdinand les rejoindront la journée du mardi 28.

Seront donc du voyage Charles (21 ans), Maurice (19 ans), Albert (18 ans et 18 jours !), Lucie (16 ans), Suzanne (14 ans) et James (12 ans).


A noter que Léon, dans sa « lettre coloniale » du 6 octobre 1928, répond à la lettre que sa mère lui envoie de Clervaux : https://haulet.be/2020/05/16/lettre-14/


27 décembre 2021
Des photos inédites de la famille Haulet-Magis en vacances à Clervaux en août 1928 ont été ajoutées.
Elles sont distribuées dans les différentes pages du journal ci-dessous

Samedi 18 août 1928 ( rédacteur : Maurice )

Le jour, attendu avec impatience par tous et auquel ont précédé tant de préparatifs, a lui.
A vrai dire, il ne luisait pas très fort mais un ciel bien déblayé et une petite fraîcheur matinale annonçaient une belle journée.

Je ne suis pas chargé de rapporter toutes les discussions, tous les projets, tous les préparatifs qu’a occasionné ce départ ; la veille, une grande décision a clos un échange de vues de famille : vu les nombreux bagages, l’auto ne peut contenir que quatre personnes et Charles ne pouvant profiter de la réduction accordée aux membres de familles nombreuses par les Chemins de Fer, c’est Albert qui emploiera ce moyen de locomotion.

A 8h30, départ émouvant de Charles et Maurice en bicyclette. Leur voyage s’effectue sans incident spécial. Ils se ravitaillent à Stoumont, après la rude montée de La Gleize.
Après la fricassée et un petit verre de vin réconfortant, ils reprennent la route avec ardeur. Mais, arrivés à Coo, un son de trompe bien familier leur fait tourner la tête : c’est la Fiat qui « à ce qu’il paraît » (puisque je ne suis que témoin auriculaire) a quitté Liège à 12h30. On fixe le rendez-vous à la route entre Trois-Ponts et Vielsalm. Là, Lucie remplace Charles et franchit vaillamment les 10 kilomètres jusque Vielsalm.

A Vielsalm, arrêt de rafraîchissement : Charles et Maurice se reposent jusque 4H. 40 kms les séparent encore de Clervaux, ils les avalent en 2h15.

A 6h15, ils sont reçus à la Maison de Repos St-François par Papa qui tire son portefeuille pour leur indiquer le numéro de leur chambre. On leur rapporte, avec des yeux anxieux, d’abord l’absence d’Albert, puis la déception éprouvée à leur arrivée : les chambres à coucher ne répondent pas aux promesses des sœurs, faites à la Pentecôte !
1° Papa et Maman ont une petite chambre au-dessus de la cuisine (pas pour la vue mais pour l’odeur).
2° Lucie et Suzanne ont un long boyau mal éclairé.
3° Les garçons sont parqués dans une seule chambre ; on a parlé de paravent mais personne n’a jamais très bien compris ; peut-être la sœur prenait ce mot dans son sens étymologique exact !!

Malgré ces petits mécomptes, on a fait honneur au souper ( surtout St Thibaut ). Les petites salutations des pensionnaires et aussi leurs têtes boches égaient le repas. Plusieurs convives sont baptisés : on peut citer : grand-papa toujours, l’institutrice, bébé Cadum, Mme Gurdal.

Après encore une heure d’angoisse, Albert apparaît et raconte son odyssée palpitante : on lui a donné un billet pour Barvaux, ce qui lui a fait manquer son train de 12h14. Le cœur tranquille, tout le monde s’engouffre dans ses couvertures. C’est le meilleur que je vous souhaite.

La Maison de Repos Saint-François semble ne plus exister telle quelle et a fait place à un grand ensemble moderne.

Dimanche19 août 1928 ( rédacteur : Léon Flélix )

Messe à 6h1/2. 3 vaillants : Charles, James et le Vi Pèr. Mais ce dernier a trop présumé de ses forces ! Il n’est pas brillant, le paternel ! Patience, cela passera après l’absorption d’un Vul…… (illisible)

Après le déjeuner, on se rend en famille à la grand-messe à l’abbaye St-Maurice. Les chants sont très beaux mais un peu endormants. Plusieurs de la tribu sentent leurs paupières s’alourdir et la pauvre mummy en gagne un mal à la tête carabiné. Nous rentrons à la Maison de Repos assez penauds !
Décidément, la 2éme journée ne sera pas aussi bonne que la première.

L’après-midi se passe dans le parc de la maison St-François, la pauvre maman dans son lit où viennent la troubler les relents de la cuisine et les bruits de la salle commune. Le Vi Pèr roupille jusqu’à quatre heures. Le reste de la famille prend ses ébats dans le parc. Suzanne (parait-il ou à ce qu’il parait) fait une chute en voulant imiter l’acrobatie d’Albert dans la cour à Saint-Barthélemy. Charles préside au placement du hamac.

La boustifaille est satisfaisante, St Thibo y fait honneur ainsi, d’ailleurs, que ses frères et sœurs. A signaler un ….. (illisible) qui remet du cœur au ventre à Vi Pèr.

Nous avons vu ce que « Clervaux » dixit Maurice Pollet .

Lundi 20 août 1928 ( rédacteur : Irma )

La journée s’annonce bien, le temps un peu couvert, l’air est exquis. Papa et Maman se sentent mieux après un bon déjeuner.

Papa, Charles et Albert font une promenade en auto jusqu’à Wilwerwiltz . Maurice et James la font en vélo tandis que Maman, Lucy et Suzanne respirent le bon air du jardin et font une petite promenade dans Clervaux. Puis le dîner s’annonce, apprécié par tous. Après, on fait une sieste à l’air jusqu’au goûter. Puis, encore une promenade en auto, le pays est magnifique. On s’installe au jardin en attendant le souper, faisant des projets pour les jours suivants.

Le souper, on y fait honneur. Papa se fend d’une bouteille de vin blanc. A 8 heures, nous allons jusqu’à la chapelle puis Papa et Charles partent pour la gare chercher oncle Maurice et tante Luce.
Après quelques récriminations de Papa à propos de notre chambre, on nous installe au n°6, chambre plus spacieuse et mieux située. J’espère y bien dormir.

Mardi 21 août 1928 ( rédacteur : Charles )

Nothing special ! Le temps est incertain. Après le déjeuner, toute la famille monte à l’abbaye. Les pères Bénédictins chantent une messe de requiem. Ce qui attire surtout l’attention de plusieurs membres de la famille est le nombre de fois que les moines se couvrent et enlèvent le capuchon. Oncle Maurice propose cette explication : « Cela remplace pour eux la gymnastique suédoise ».

Après le goûter, Papa, Maman, tante Lucie, oncle Maurice et Suzanne font une promenade en auto jusque Wiltz en suivant la belle vallée de la Clerve jusqu’à Wilwerwiltz.



Albert et Charles partent en vélo.

Mais j’ai hâte d’en venir au quetsch. Après le souper, toute la famille descend en ville. Oncle Maurice et tante Lucie vont acheter une bouteille de cette précieuse liqueur et l’on remonte triomphalement, encadrant Papa qui porte le précieux fardeau sur son cœur.

Réunion dans la chambre de tante Lucie et oncle Maurice et dégustation…. Mais « un petit peu seulement » parce que « c’est très fort » . Tous se résignent, seul « Saint Tibo » proteste… mais en vain. Papa tient la bouteille, il verse parcimonieusement. On aura ainsi le plaisir de recommencer. C’est sur cette douce perspective que, dans un silence relatif, chacun se retire dans sa chambre avant 9h ¼ comme l’exige le règlement de la Maison de Repos St-François.

Mercredi 22 août 1928 ( rédacteur : Albert )

Réveil avec un temps brumeux, décidément, le soleil ne veut plus se mettre de la partie. On s’en passera ! Après le déjeuner, on décide unanimement de faire une promenade à pied. Tout le monde se munit soit de pardessus, soit de parapluies.

Conduits par un abbé belge et sa grosse nièce, « bonne fille un peu timide » au dire de maman, nous visitons le parc et l’ancien château du comte de Berlaymont. L’air est assez frais sur les hauteurs. Papa décide et annonce avec sagesse qu’il remettra son petit caleçon demain ! Nous revenons à la maison de repos par les hauteurs.

Le château Berlaymont tel qu’il était en 1930

Le dîner a duré exactement 1h ½ !! La patience est une belle valeur.
Après dîner, réunion dans la salle commune, on joue aux cartes. (passage biffé)

La pluie a cessé, repos général. Après quatre heures, réunion dans la salle commune, on joue aux cartes. La pluie cesse, seconde promenade dans la vallée de la Clerve. Maman et Suzanne, fatiguées, restent à la maison.

Messieurs les abbés n’ayant pas laissé grand-chose, le souper ne fut pas gras ! Le petit verre de quetsch, devenu traditionnel, est servi dans les appartements de tante Lucie et oncle Maurice.

Jeudi 23 août 1928 (rédactrice : Lucie )

La journée s’annonce meilleure que la précédente et je crois même que le soleil daignera se montrer.
Après un bon déjeuner, nous partons en promenade sur la route de Stavelot – St-Vith, munis de nos paletots car nous n’avons plus confiance au petit baromètre de la Chère Sœur !..

Le temps est bien remis, tant mieux. Après le dîner, passé sans incident, tout le monde fait une petite sieste jusqu’à 4 heures. Les uns à l’air (cela vaut peut-être mieux), les autres dans leur chambre.
Cependant, Charles et Maurice partent à 2 heures pour Vianden, après bien des discussions, et reviennent à 7 heures enchantés de leur promenade.

Après le goûter, encore une petite promenade à pied le long de la Clerve. Nous trouvons une place épatante pour prendre des bains de pieds.

Luxemburger Illustrierte N° 31 – 1928

Fatigués, nous étions assis sur un tronc d’arbre ; tout à coup, James se baissant trop fort tombe la tête en avant et disparaît. On ne voyait plus que ses pieds. Mammy pousse un petit cri d’émotion. Aussitôt Papa va le retirer par le fond de son pantalon ; il était un peu étonné lui-même, heureusement il n’avait rien.

Après le souper, nous bondissons tous sur la chambre commune, tante Lucie en tête mais elle se retire bien vite car les religieuses, les « jeunes gattes » comme dit Suzanne, sont en conférence.

Après avoir dit notre prière du soir à la chapelle, nous faisons quelques petits tours dans le jardin pour digérer la soupe aux navets. Nous ne rentrons pas trop tard pour ne pas manquer le bon petit verre de quetsch.
On se souhaite bonne nuit à 9 heures ¼ en prenant tous la résolution d’aller à la messe.
Nous verrons qui l’a tenue !

Vendredi 24 août 1928 ( rédacteur : )

Temps merveilleux avec un ciel sans nuages et un soleil éclatant.
Après avoir déjeuné, on décide de prendre chacun sa chaise-longue et d’aller s’asseoir dans le jardin car il fait un peu chaud pour marcher. James veut absolument prendre un bain de pieds. Enfin, Papa, Maurice et James se préparent, prennent leurs caleçons et vont à la rivière. Maurice se baigne. James se contente de tapoter dans l’eau.

Après le dîner, Papa, Maman, Oncle Maurice, Tante Lucie et Charles partent en auto pour Vianden. A ce qui parait, ils ont fait une excellente promenade.
Après le goûter, Albert, Lucie, James et Suzanne ont été faire une promenade dans les champs.

La soirée s’est passée dans le parc. Un prêtre, curé de Differdange, nous a parlé de toutes les jolies excursions à faire aux alentours. Il nous a causé assez longtemps, cela nous a empêchés de prendre notre petit verre de quetsch. Etant déjà 9h ¼, nous avons dû nous retirer dans notre chambre.

Samedi 25 août 1928 ( rédacteur : )

Réveil avec un temps douteux, ce qui ne nous permet pas de nous installer au jardin.

On décide à l’unanimité de faire une balade. On prend le chemin bien connu de l’abbaye, on longe la propriété des Pères Bénédictins. On arrive ensuite dans les bois où l’on s’assied pendant ¼ d’heure. Puis, l’on se remet en marche à travers les champs. On croyait pouvoir prendre un chemin qui rejoignait la route de Wiltz mais, à notre grand étonnement, il n’y en avait point. Nous avons dû reprendre le chemin de l’abbaye, ce qui nous retarde beaucoup.

Nous rentrons à la maison de repos un peu fatigué. Après le dîner, Papa, Maurice, Albert, Lucie, Suzanne et James partent en auto pour Vianden. Le pays est magnifique. On longe l’Our jusque Vianden .

Arrivés à Vianden, on va acheter des cannes et des cartes-vues puis on continue jusque Diekirch. Là on visite l’église. On arrive vers quatre heure à Ettelbruck, on va goûter puis on visite la ville et l’église. On revient par la grand-route de Diekirch, on est revenu à la maison de repos à 6h ½.

Panorama de Diekirch

On se promène un peu dans le parc en attendant le souper. Après le souper, on assiste au départ de M. Schuller. On remonte dans la chambre de tante Lucie pour prendre son petit verre de liqueur.

Dimanche 26 août 1928 ( rédacteur : Maurice )

La petite chapelle de la Maison de Repos voit s’aligner, sur ses bancs, tous les membres de la tribu sauf Maurice qui se rend à la messe à la paroisse : St Thibaut avait besoin d’une promenade apéritive.

La fraîcheur du matin laisse espérer une journée de soleil. Oncle Maurice et Charles tiennent encore à se rendre à l’abbaye pour se délecter de la liturgie des pères et, pendant que ces deux esthètes sont perdus dans les hauteurs mystiques, le reste de la troupe mange prosaïquement du chocolat, des chiques à la menthe, des hopjes dans le parc de Berlaymont. Mais c’est James qui détient le sachet de hopjes et il règle minutieusement les rations (Albert, parait-il, en redemandait trop souvent).

Les sœurs soignent mieux le menu du dîner pour honorer le jour dominical si bien que tout le monde sent le besoin d’une sieste. Elle est interrompue à 3h ½ par la sonnette annonçant le goûter ( à noter la confiture aux fraises, spéciale aussi pour le dimanche).

Après le goûter, on se dispose à aller visiter les tombeaux des anciens seigneurs de Clervaux. La promenade a été indiquée et expliquée par la sœur supérieure à toute la « feumereye » dirait Ferdinand. Une fois de plus, nous expérimentons que c’est dangereux de se fier aux dames pour un chemin à suivre : leur sens de direction est légèrement faussé. Oncle Maurice croit voir les tombeaux dans les arbres sur la colline en face et maman dans un hangar à foin.
Après moultes discussions, on s’engage dans un chemin fort difficile si bien qu’après quelques mètres, une partie fait demi-tour. La troupe se scinde en 3 parties : les 4 garçons, papa et les dames, et Oncle Maurice seul.

On se retrouve à table pour le souper où l’attention se concentre sur M. Mosi dit Benoit. On essaye en vain de lui faire exécuter un charleston. La soirée se passe à la salle commune à jouer aux cartes et autres jeux de société à la grande joie de M. Mosi qui n’était encore que spectateur.

Lundi 27 août 1928 ( rédacteur : Maurice )

Il pleut, mais « pluie du matin n’arrête pas le pèlerin » dit Tante Lucie et ce dicton se justifiera par l’apparition du soleil vers 10h déjà.
Pour Charles, Albert et Maurice, la matinée se passe à réparer 2 crevaisons aux 2 roues arrière de l’auto. Les autres vont faire quelques emplettes au village, les dames passent une couple d’heures (sans exagération) chez le marchand de bas.
A 2h, les 5 grandes personnes partent pour Esch-sur-Sûre et reviennent pour souper, enchantées du voyage et du magnifique pays.
Les autres sont consolés par Papa : « s’il fait beau demain et si vous êtes bien sages, je vous y conduirai aussi ». C’est grâce à cette promesse qu’ils sont parvenus à manger toute la crème au babeurre qui servait de dessert au dîner de mardi.

Mardi 28 août 1928 ( rédacteur : Maurice )

Jusqu’aujourd’hui, le dicton « les jours se suivent et ne se ressemblent pas » ne pourrait s’appliquer mais ce mardi est un jour tout spécial, on attend la visite de Ferdinand et Marie.
Au déjeuner, on en parle déjà ; à 8h ½, Tante Luce trouve qu’il serait temps de partir à la gare. Sauf Oncle Maurice et Charles, toute la bande est présente à l’arrivée du train

Grelottants, Marie et Ferdinand descendent du train. On leur fait une ovation enthousiaste et leurs embrassements « à pissette » auraient dû trahir leur nationalité aux paysans de Clervaux.

La montée jusqu’à l’abbaye que nous allons leur faire admirer de près ne suffit pas à les réchauffer.
Avant le dîner, visite de la maison St-François et de toutes les chambres occupées par la tribu (n’oubliez pas que c’est Lucie et Suzanne qui ont la moins belle; Lucie y tient absolument sauf quand Charles, avec son astuce ordinaire, lui fait dire le contraire).

Après-dîner, sieste suivie d’une balade pour montrer la vue de Clervaux du haut de la route de Marnach.

4h, goûter puis, par voie de vote, promenade à la vallée au bord de la Clerve. Là, bain de pieds général (même Marie) et construction d’un barrage avec l’aide de Charles et de Maurice qui jette des arbres entiers à l’eau. Au grand désespoir de James, des chasseurs viennent demander qu’on veuille l’enlever parce que cela nuit à la pêche.

Marie et Ferdinand partent au train de 7h7, on les conduit en auto à la gare. Charles et Maurice accompagnent à bicyclette pour le grand malheur de Maurice qui, se retournant au mauvais moment, est victime de la mauvaise habitude des gens de Clervaux d’encombrer les routes. Il en est quitte pour une entrée sensationnelle au souper, le nez et le front égratignés.

Et voilà, encore une journée de villégiature passée, on commence à compter ce qui reste.

Mercredi 29 août 1928 ( rédacteur : Charles )

Avant 9h, Papa, Maman, Oncle Maurice, Tante Lucie et Charles comme chauffeur, partent pour une longue randonnée. La grand-route de Diekirch, Marnach ; Hosingen ; à droite, la vallée de la Sûre dont on garde un si bon souvenir ; Hoscheid ; et nous voilà à Diekirch.

Le temps est magnifique : un léger brouillard qui se dissipe et le soleil, doucement mais sûrement, commence à luire. Nous continuons vers Larochette en passant par Medernach.
Nouvelle halte pour voir l’église. Tante Lucie se figurait Larochette comme un grand hôtel au milieu des bois, elle doit bien se rendre à la réalité : une petite villette, une église, un hôtel, un tram à carbure et quelques ruines comme toute localité du Grand-Duché qui se respecte.

3ème étape : Larochette – Christnach et nous voici dans la célèbre Mullerthal.
Pays magnifique mais nous ne faisons que traverser, les promenades seront pour l’année prochaine. Papa promet d’y revenir et avec une Fiat 20HP.
Voici les rochers fantastiques coupés de crevasses, surplombant la route. Le paysage, tantôt joli, reposant, devient extraordinaire, effrayant. On grimpe ; quelques kilomètres encore et nous voici à Echternach. Une belle grand-place, à gauche l’hôtel de ville et les tours de la basilique.
Il est midi. Après un dîner très réconfortant, nous allons voir l’ancienne abbaye des Bénédictins, le tombeau de Ste-Willibrord, la cour d’honneur, mais Papa est pressé de repartir.

Nous partons à 2h pour Consdorf et retraversons la Mullerthal. Il s’agissait, alors, de rejoindre Berdorf par les gorges. Ah ces fameuses gorges, les recherches combinées de Papa, oncle Maurice et Charles, les longues discussions de ceux-ci, les demandes de renseignements, tout fut en vain, il fallut y renoncer.

Vers 5h ½, nous quittions Grundhof, passions par Beaufort et moults autres petits villages tous délicieusement parfumés par les fumiers exposés devant les maisons. Nous nous arrêtons à Vianden pour visiter le fameux musée « qui, à lui seul, vaut le voyage » et nous franchissons allègrement les 30 derniers kms en suivant l’Our.
Cette belle vallée nous ravit encore plus que la première fois. Hormis les petites émotions que donnent à Maman les montées et à Tante Lucie les descentes en lacets, cette dernière étape termina brillamment cette magnifique randonnée.

Il était 6h ¾ quand nous arrivâmes à la maison de repos, nous avions fait 140 kms.

Jeudi 30 août 1928 ( rédacteur : Léon Félix )

La matinée se passe comme d’habitude, petite promenant en ville ! pour achats divers. Tante Luce distribue chiques et chocolat pour réconforter les filles et les faire marcher !

Après-midi à 13h, départ pour Esch sur la Sûre; dans l’auto prennent place Maurice, Albert, Luce, Suzanne, james et votre serviteur au volant.

Promenade magnifique qui nous étonna, nous effraya et nous ravit en même temps : descente en lacets, virages brusques; au fond, la vallée très profonde et la rivière sinueuse encadrée par de hautes montagnes et des rochers.
Par moments, la rivière disparaît à notre vue et on n’en aperçoit qu’un labyrinthe formé par les montagnes qui semblent se toucher à certains points. Ce sont des rochers gigantesques qui coupent la vallée et donnent un caractère pittoresque et grandiose à cette belle vallée de la Sûre.

Enfin, après un tunnel de 40 m, on arrive sur le …. Où Esch est bâtie sur le roc.
Esch est sans contredit une curiosité du Grand-Duché. Ce petit village est bâti sur le flanc du rocher et ce rocher est contourné par la rivière, la Sûre. Au-dessus du rocher se trouvent les ruines d’un vieux château et près du château une statue de la Vierge immaculée qui domine tout le paysage. On y arrive par un escalier taillé dans le rocher, quelques 200 marches. La vue de ce point est ce qu’on peut dire des plus pittoresques.

Retour par Wiltz, de Wiltz à Wilwerwiltz, quelques vues sauvages et pittoresques également, vallée de la Clerve plus calme et plus reposante.
Au volant, Albert le chef mécanicien.
Rentrée à 5h ¾.

Pendant notre randonnée à Esch, le reste de la tribu a été à Munshausen visiter le tombeau des anciens seigneurs de Clervaux.

Le soir, après le souper, jeu de cartes en compagnie de M. Benoit !!

Vendredi 31 août 1928 ( rédacteur : Albert )

Après le déjeuner, on passe dans la chambre commune. L’air est très frais à l’extérieur.

Vers 10h, on part vers la ville en vue de faire une promenade on ne sait pas où. La petite troupe s’engage sur la route de Stavelot – St-Vith.
Charles est resté à la maison de repos trouvant plus logique de se reposer dans un fauteuil que de faire des kilomètres. « On est à Clervaux pour se reposer ». « Oui mais l’exercice est bon ! » dira Tante Luce.

Après le dîner, on se repose jusque 4h. Cependant, de suite après le dîner, Mlle Marion Didier et M. Mauroy et Lefèvre ont eu l’amabilité de photographier la famille.

Après le café, nous partons tous accompagnés, de nouveau, des photographes. On se dirige vers la route de Wiltz à pied et en vélo. Les photos faites, on se promène. Mlle Didier nous annonce qu’il y a juste en face un verger avec des pommiers. Pour y arriver, il faut passer la Clerve sur un gros tronc d’arbre. Maurice puis James passent en vrais acrobates. Les jeunes-filles assises sur le tronc avancent centimètres par centimètres, elles passent néanmoins sans accidents.
Papa, à l’admiration de tous, passe l’eau le plus simplement du monde. Le reste de la bande continuera y compris M. Mauroy !
On se rend au verger. Maurice lance une canne dans un pommier, qui y reste. Albert vient à son secours et en lance une seconde qui y reste aussi. A la fin, Maurice doit monter dans l’arbre pour les faire tomber.

On retourne à la maison par la route. Après le souper on joua aux cartes avec Mlle Didier, Tientjes, M. Mauroy et Valentine aux yeux doux.

Samedi 1er septembre 1928 ( rédacteur : Léon Félix )

La journée se passe sans incident seulement, on fait plus ample connaissance avec Mlle Didier de Dudelange et Uyltjes de Luxembourg et aussi à l’ineffable M. Màssi, comme l’appelle Papa.

Le soir au souper, pour ses adieux, M. Lefèvre dit Màssi offre un verre de vin à toute la clique des wallons et demi-wallons ! Pour rendre la politesse aux luxembourgeois, oncle Maurice et Tante Luce précisent que toute la bande descendra sur Clervaux pour inaugurer la paix.
Hélas ! tout est hermétiquement clos ! On se résigne à rentrer dans un café pour prendre un verre de consolation ! Mais, à la stupéfaction de la dame de la maison, tous demandent un quetsch ! Même James !
On réclame de la musique et voila-t-il pas que Maurice commence à danser le Charleston ! Albert, entraîné par la musique, se met aussi à charlestonner… et Papa esquisse une valse avec tante Luce !

Malheureusement il est vite 8h ¾. Vite, rentrons si nous ne voulons pas être remerciés ! 9 heures ! Les portes sont déjà fermées ! On hèle Charles qui est resté dans la salle commune ! Sauvés !
En grand silence, chacun regagne sa chambre.

Dimanche 2 septembre 1928 ( rédacteur : Léon Félix )

Hélas, jour de départ ! On fait les malles !

A 2 heures, départ de la Fiat, adieux photographiés par Mlle Didier.

Arrêt à la Chaudière où Maman, Lucie, Suzanne et James vont admirer le Ninglinspo.

Arrivée à Liège à 6 heures rue Wazon ! Embrassement général et grande joie de se revoir, surtout les petits Dédé et Monique !

Tante Luce et Oncle Maurice prennent le train à 4 heures. Albert le train à 7 heures.
Charles et Maurice rentrent demain en vélo !

Suite à l’an prochain !


Le manuscrit

Vous pouvez consulter et/ou télécharger le manuscrit ici : Journal de la famille Haulet Villégiature à Clervaux.pdf


L’abbaye Saint-Maurice et Saint-Maur à Clervaux

L’abbaye Saint-Maurice et Saint-Maur à Clervaux ( dans une brochure de 1913, elle est nommée seulement «abbaye de Saint-Maurice» ) est une construction récente.

En 1909, les moines bénédictins de l’abbaye de Saint-Maur de Glanfeuil (Seine et Loire) quittent leur résidence suite à la loi de 1900 sur les associations et se réfugient à Clervaux afin d’y construire leur nouvelle abbaye.
Son style relève du roman-français le plus pur. La grande tour est une fidèle reproduction de la tour de l’eau-bénite de Cluny qui sera démolie à la révolution.
C’est l’architecte hollandais J.F. Klomp, établi à Dortmund en Allemagne, qui en fit les plans dès 1908.
Le financement fut assuré par Jeanne du Coëtlosquet, soeur de Dom Edouard du Coëtlosquet abbé de Saint-Maur de Glandeuil.

en savoir plus : L‘IMPLANTATION DE L‘ABBAYE SAINT-MAURICE à CLERVAUX


Et Notre-Dame de Lorette ?!?

Il est vraiment surprenant qu’aucune allusion ou remarque ne soit faite à propos de l’existence à Clervaux d’une chapelle dédiée à Notre-Dame de Lorette !

Comment ces visétois d’origine, certains y sont nés, la plupart y ont vécu, ont-ils pu oublier ce haut-lieu de Visé que constitue la chapelle de Notre-Dame de Lorette ?

Il est vrai qu’on approche de la banalité la plus absolue : il y a 51 chapelles N-D de Lorette en Allemagne, 24 en Autriche, 30 en France, 52 en Italie, 13 en Pologne, 18 en Suisse, 10 en Espagne, 10 en Tchéquie etc etc.



3 thoughts on “Villégiature à Clervaux

  1. Mickey dit :

    Une fois de plus … Bravo !

  2. Charles Haulet dit :

    Bonjour à tous!
    Vous aurez remarqué que nous n’avons pas pu reconnaître certaines écritures…les descendants de tante Suzanne et oncle James pourraient-ils nous signaler s’ils reconnaissent l’écriture de leur mère ou père? Merci d’avance. Charly

  3. Emmanuel Haulet dit :

    Très amusant à lire, magnifique présentation et bien documenté.
    Du travail de pro…
    Félicitations Chers Cousins
    Emmanuel Haulet

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