Nous avions raconté, sur ce site, le 23 janvier 2023, dans quelles circonstances nous avions été contactés par Monsieur Bruno Dardenne, archiviste du MuséeAfrica à Namur et comment nous avons pu enrichir nos documents de plusieurs lettres et photos de Léon Haulet tout en promettant d’y revenir bientôt ! Les jours passent et les bonnes intentions trépassent…
Ces documents, comprenant 7 lettres et 4 photographies, sont d’autant plus intéressants qu’ils concernent la première mission de Léon aux colonies durant les années 1927 et 1928 pour laquelle nous n’avons, de manière inexplicable, aucun document dans les archives familiales !
C’est le 9 avril 2020 qu’était lancé le site haulet . be, consacré à la correspondance coloniale du Lieutenant Léon Haulet, fils aîné de Léon-Felix Haulet et Hortense Magis.
C’est l’occasion d’établir un bilan et de consulter quelques statistiques de fréquentation de ce site !
Le long combat de l’Afrique pour son art – Histoire d’une défaite post-coloniale. Bénédicte Savoy Editions du Seuil Janvier 2023 – 304 pages – 23€ ISBN 978-2-02-149711-3
Je suis tombé sur ce livre passionant de Bénédicte Savoy paru en allemand en 2021, en anglais en 2022 et enfin en francais en 2023.
Pendant des décennies, les nations africaines ont lutté pour la restitution d’innombrables œuvres d’art volées pendant l’ère coloniale afin d’être exposées dans des musées occidentaux. Bénédicte Savoy met en lumière cette histoire largement méconnue. Elle s’appuie sur de nombreuses sources inédites pour révéler que les racines de cette lutte remontent bien plus loin que ne l’indiquent les débats récents, et que ces efforts ont été menés par une multitude de militants et dirigeants des nations nouvellement indépendantes. Peu après 1960, lorsque dix-huit anciennes colonies d’Afrique ont accédé à l’indépendance, un mouvement en faveur du rapatriement des œuvres a été lancé par les élites intellectuelles et politiques africaines. L’autrice retrace ces combats et examine aussi comment les musées européens ont tenté de dissimuler des informations sur leurs collections. En expliquant pourquoi la restitution est essentielle à toute relation future entre les pays africains et l’Occident, ce livre pose les éléments du débat autour de ces questions cruciales pour le présent et l’avenir.
Cette lettre (la 30ème dans le livre) a été découverte parmi les manuscrits originaux transmis par Gaëlle Haulet et était inédite sur le site jusqu’à présent.
Masisi, le 24 novembre 1929
Ma bien chère mother,
Grand merci de ta bonne lettre du 6 octobre, avec tous les détails comme tu m’en donnes ordinairement et que tu persistes, à tort, je t’assure, de qualifier de « bavardage peu intéressant » – bavardage si tu veux, mais qui m’intéresse bien fort et me fait bien grand plaisir.
Je suis content que Tensette et Lilice aient pu faire un bon séjour à Liège. 43 kg ! C’est vraiment peu, ce n’est rien si elle se porte bien et il ne faut pas désespérer qu’elle se fortifie un jour … voir tante Luce !
Pauvre oncle Fernand – sa situation ne s’améliore guère et si Linette (a de nouveau des misères avec sa jambe, ce n’est pas fait pour rendre sa vie plus joyeuse.
J’ignorais le retour de Loulou en Belgique jusque ta lettre de la mer et encore plus son nouveau départ pour Salonique – il ne m’écrit plus du tout.
Je suis à Masisi et j’attends des porteurs et des vivres pour partir dans les environs des lacs Mokoto et de là, vers Rutshuru ; je ne compte pas aller vers Pinga où la forêt est trop dense.
Cette double lettre (la 20ème dans le livre) a été découverte parmi les manuscrits originaux transmis par Gaëlle Haulet et était inédite sur le site jusqu’à présent.
Nyamirundi, le 5 mars 1929
Mon bien cher papa,
Un petit mot en plus de mon journal – où je ne parle que trop longuement de moi-même – pour te souhaiter une très bonne et heureuse fête.
Voilà bien des années déjà que je suis pas à la maison pour fêter la St. Léon ! Ce n’est pas que j’attende ce jour-là pour souhaiter à mon cher papa tout le bonheur possible, mais cela n’empêche que, toutes les années, je regrette de ne pouvoir le faire avec tous, de vive voix, le 11 avril. Dieu veuille que l’an prochain, ou au moins dans deux ans, je sois de la partie ! pour fêter le jeune grand-père qui aura alors 60 ans… ça va vite ! Moi, j’en aurai bien 30 ; ne trouves-tu pas cela encore plus drôle ?
Cette lettre (la 7ème dans le livre) a été découverte parmi les manuscrits originaux transmis par Gaëlle Haulet et était inédite sur le site jusqu’à présent.
Bumboko, le 1er mai 1928
Mon bien cher papa,
J’ai reçu, il y a quelques jours, la carte collective de bonne fête. Merci à tous de tout cœur.
Tout va bien ici. J’ai fait un séjour d’une huitaine à Kigali. Le vieux boma boche existe toujours et le même commissaire de district, mon ami Coubeau, est toujours là. A part cela, il n’y a que de nouvelles figures, même parmi les noirs. Cependant cela m’a fait plaisir de revoir Kigali ; et nous y avons passé quelques bonnes heures. Le commandant de la Cie était absent avec presque toute la compagnie, pour étouffer une petite révolte dans le Nord, à la frontière anglaise. Je n’ai donc vu que la façade de mon ancienne maison et très peu de mes anciens soldats qui deviennent d’ailleurs rares.
On construit un nouveau Kigali, sur un plateau à proximité de l’ancien boma, un peu plus élevé et bien plus agréable à habiter que le vieil emplacement ; il n’y a encore que quelques petites maisons et quelques constructions pour le camp militaire.
En 6 mois, entre le 5 avril et le 5 octobre 2020, 35 lettres de Léon Haulet ont été publiées.
Le graphique ci-dessus montre l’évolution du nombre de lecteurs pour chaque page. On peut clairement voir une belle progression à partir de la lettre 28 et un pic remarquable pour la dernière, la 35ème !
Faisant suite au commentaire adressé par Michel Selezneff à l'info-lettre du 26 août 2023 relative aux vidéos placées sur le site et plus particulièrement à la vidéo de 1897 "Boma-Tervuren - Le voyage - Documentaire sur l'exposition coloniale de Tervuren 1897", voici ce commentaire enrichi d'autres observations, photographies et plans.
Boma-Tervuren-levoyage.mp4
Sur les 184 vidéos postées, je n’ai encore pu visionner que les quatre premières !
Un témoignage m’a fortement surpris et que je n’avais pas encore lu, celui prétendant que les 7 congolais décédés à Tervuren lors de l’exposition de 1897 auraient été « rapidement enterrés dans une fosse commune dans les bois de Tervuren aux côtés des démunis, des nécessiteux, des prostituées et des malades mentaux. Une dizaine d’années plus tard, leurs corps sont déterrés et ré-enterrés dans la cour de l’église catholique Saint-Jean l’Évangéliste de Tervuren. » https://www.jambonews.net/actualites/20131104-1er-novembre-2013-hommage-aux-congolais-morts-pendant-lexposition-universelle-de-1897/
Aussi sur le Net, une version semblable bien que légèrement différente prétend que « Il faudra attendre 1950 pour que les morts de Tervuren se voient attribuer sept tombes. Piètre « réparation » pour des hommes qui ont été « parqués comme des animaux dans un concours », comme le rapporte un article du Patriote illustré daté du 4 juillet 1897. » https://www.lemonde.fr/archives/article/2002/03/16/les-sept-morts-de-tervuren_4206537_1819218.html
L'appellation "fosse commune" est devenue dépréciative et est souvent remplacée par l'expression "carré des indigents". En effet, l'inhumation en ces terres est prévue pour les personnes sans domicile fixe, sans familles, sans ressources suffisantes ou encore non réclamées à l'institut médico-légal. Le qualification d'"infâme" d'une telle situation est par extension due au statut de la plupart des personnes ainsi enterrées, statut non conforme à la bonne société bourgeoise et croyante de l'époque.
En France, depuis 1991, l'appellation officielle est "division à caveaux de terrain commun" abrégée en "terre commune".
En Belgique, les communes délèguent à une entreprise de pompes funèbres le soin de procéder à l'inhumation. Il faut reconnaître que ces entreprises, trop souvent, bâclent leur mission.
https://www.rtbf.be/article/qu-arrive-t-il-aux-personnes-qui-n-ont-pas-d-argent-ou-de-famille-pour-leur-enterrement-9926319
J’habite non loin de Tervuren et me suis déjà rendu à plusieurs reprises sur les tombes congolaises ; elles sont alignées le long du mur nord de l’église Sint-Jan Evangeliskerk (St-Jean l’Evangéliste). Cette église ayant été bâtie en 1779, la pelouse qui l’entoure, comme dans tous villages, était le cimetière.
A gauche les 7 tombes, à droite l’ancien emplacement le long des maisons
Pour preuve, un vingtaines de tombes sont restées en place dont celles des comtes de Stolberg-Wernigerode (château au pied du Harz en Allemagne), XIXè s.. Les tombes indiquent des dates de sépultures s’étalant entre 1882 et 1915.
Les panneaux près des tombes congolaises renseignent les visiteurs avec appui de photos, précisant que les défunts ont bien été enterrés individuellement à leur décès à une vingtaine de mètres de l’église, en terre « profane », et qu’en fin 1940 les tombes ont été déplacées le long du mur de l’église. La commémoration eut lieu en présence de M. P-H Spaak et autres représentants belges et congolais … Une photo de 1930 montre une visite de membres de la Force publique venus rendre hommage aux défunts de 1897. Les tombes sont encore à leur emplacement original, soit à une vingtaine de mètres de l’église …
En 2017, dans le cadre de la rénovation de l'AfricaMuseum, la commune de Tervuren a fait rénover les tombes des sept congolais décédés en 1897.
Dans le film "Boma-Tervuren - Le voyage Documentaire sur l'exposition coloniale de Tervuren 1897", mentionné plus haut, on peut voir une cérémonie de prélèvement de terres par une délégation congolaise et le tranfert de celles-çi sur sol congolais en décembre 1998 (voir à partir de 44m 32s et 47m 38s).
S’il faut en croire les détracteurs du colonialisme ou de Léopold II qui prétendent que ces sept malheureux congolais auraient été enterrés rapidement dans une fosse commune dans la forêt de Tervuren, il faudrait qu’ils m’expliquent comment aurait-on pu identifier les restes des dépouilles/squelettes lors d’une exhumation au milieu d’une fosse commune, qui aurait eu lieu une dizaine d’années ou mieux encore, plus de 50 ans après leurs funérailles … !?
Michel Selezneff
Ils s'appelaient Sambo, Mpeia, Ngemba, Ekia, Nzau, Kitukwa et Mibange et faisaient partie des 267 congolais exposés à Tervuren en 1897 dans ce qui a été qualifié de "zoo humain".
Les "zoos humains" étaient en vogue fin du 19ème et début du 20ème. Entre 1851 et 1931, il y eut à Paris pas moins de 11 expositions de ce genre et aussi une à Angers en 1906. En Belgique, 10 furent organisées entre 1885 et 1958 à Anvers, Bruxelles, Charleroi Liège et Gand. 13 pays europééens, 15 villes américaines, L'Afrique du Sud, l'Australie, la Corée, l'Inde, l'Indonésie, le Japon, Taïwan et le Vietnam exhibèrent aussi des "zoos humains".
Tout récemment, un village africain a été ouvert dans le zoo d'Augsbourg en Allemagne en juillet 2005. (https://www.afrik.com/african-village-les-zoos-humains-de-retour-en-allemagne)
https://www.africamuseum.be/fr/discover/history_articles/the_human_zoo_of_tervuren_1897https://vimeo.com/263375448
De nouvelles photos de Léon Haulet, des lettres inédites !..
Nous avions fait parvenir à Monsieur François Poncelet, conservateur du MusAFRICA (Musée Africain de Namur), un exemplaire du livre « La correspondance africaine de Léon Haulet ». Il a été réceptionné par Monsieur Bruno Dardenne, archiviste, qui a immédiatement été interpellé au vu du titre de l’ouvrage ! Ce Léon Haulet ne lui est pas inconnu ! Et pour cause, Bruno Dardenne est, en effet, l’auteur d’une passionnante biographie de son grand-père, Joseph Dardenne, qui fit plusieurs missions au Ruanda à partir de 1916. A la page 133 de son livre, il reproduit un courrier du Major Hoier dans lequel est fait mention du Lieutenant Léon Haulet. Une photo du Major Hoier et du Lieutenant Haulet est même jointe !