Lettre 17




Noël 1928

             Mon bien cher papa, ma bien chère mother,

Voila revenue l’époque de l’année où il est, peut-être, le plus pénible d’être séparé des siens.
Je devais, pour Noël, retrouver le major Hoier à la mission des P.B. de Nyangizi ; hélas ! avant hier, j’ai « piqué » une bonne fièvre, la première de ce terme – si ce n’est pas jouer de malheur ! – ce ne fut pas grave, car je suis sur pied déjà ; mais pas en état encore de faire la grosse étape qui me sépare de Nyangizi, je suis bien forcé de passer cette journée seul à penser à vous tous et à ce que je ferais si j’étais chez nous … les messes, les chants et … les ???? (illisible)

A vrai dire, si je n’étais pas persuadé que nous avons ce jour le 25/12, et que je ne pensais pas à la Noël de chez nous, je ne m’apercevrais pas que c’est Noël ! Je suis sur une colline pas trop haute, il fait assez chaud ; comme vue, le signal, un village, un morceau du lac Kivu … Il n’y a, dans tout cela, pas même un air de dimanche !
Je m’en fais donc une raison et remets Noël à la fin de la semaine : j’irai retrouver le major là où il sera et passerai le dimanche à la mission.

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Lettre 16




8/12/28



                          Mon bien cher papa,

Saint-Nicolas – en l’espèce, le soldat 2ème classe Lindanda – m’a apporté hier, avec un jour de retard, ta bonne lettre du 21/10. Je n’avais pas terminé ma lettre à mother, j’y joins un petit mot pour te remercier de la tienne.

Je serai très heureux de recevoir les photos ; j’espère qu’elles seront aussi bien réussies que les groupes de Clervaux pris par Marie. Merci pour le « méta » et les « coins pour photos ». Je suppose que tout arrivera par prochain courrier.

Toujours très heureux des bonnes nouvelles de tous, spécialement de Tensette et des 3 petits. D’après ce que tu me dis, même Dédé et Monique, qu’il n’y a pas un an que je n’ai plus vus, changent tellement que ne je les reconnaîtrais déjà plus … faut pas demander Alice !

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Lettre 15




Kibuburu, le 6 décembre 1928.


                          Ma bien chère mother,

Je t’ai déjà remerciée de ta bonne longue lettre du 3 octobre, par une carte envoyée par le précédent courrier. Merci encore mille fois de toute l’affection que tu m’y témoignes.
Si le récit de mes pérégrinations et de mes petites aventures – toujours les mêmes, cependant – vous intéresse, c’est avec encore plus d’intérêt que je lis, moi, les petites nouvelles de Liège et de toute la famille.
Je suis si heureux qu’elles soient si bonnes pour tous, y compris pour notre chère Tensette.
Pour elle, l’événement approche … je suis un peu rassuré par les nouvelles de son état actuel. Dieu veuille, qu’au reçu de cette lettre, tout se soit bien passé.
Et après, pourvu que Madame Laurenty trouve une place qui plaise à Nic ; car il est bien désirable que Tensette reste au pays avec les petits. Un ingénieur de l’U.M., M. Marshal, rentrant en congé via le Kivu, m’a rencontré à Bukavu, il y a quelque temps. Il avait une lettre de Nic pour moi, mais pas en poche … je ne l’ai pas encore reçue et me demande ce qu’elle contient ! M. Marshal me disait qu’il avait été étonné du retour de Nic….. et qu’il pensait qu’il avait été si heureux pendant son congé, qu’il en avait oublié les misères de l’U.M. pendant son premier terme … J’espère que les misères du second terme auront plus d’effets !

Ici, tout va bien. Nous sommes en pleine saison des pluies, il fait très humide …heureusement, il ne pleut généralement pas avant 11h ou midi, et l’on peut arriver à l’étape sans être douché. Je mesure aux derniers signaux côté T.O. avant de passer pour tout un temps, si pas définitivement, au Kivu.
Si j’ai bon souvenir, j’ai parlé, dans mes lettres de Lemura, de notre passage au Kivu. Depuis, la question est mise à peu près au point.
Le major Hoier m’avait donné rendez-vous pour le 19 à Costermansville (Bukavu) – j’y suis allé, mais lui n’est arrivé que le 22 et encore, pendant quelques heures seulement : il venait d’Uvira en limousine ! sans ses bagages et est reparti le jour même. Nous n’avons pas eu le temps de nous parler, car nous sommes partis directement faire le tour des autorités !! commissaire de district, directeur du Comité National du Kivu, etc…

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Lettre 14




Mitaristuva, le 6 octobre 1928

                          Ma bien chère mother,

Je viens de recevoir ta bonne longue lettre de Clervaux et suis si content de savoir que, tous, vous y avez passé de bonnes et reposantes vacances. Je comprends le plaisir que l’on a d’être bien installé, dans un pays splendide, en un endroit de « tout repos », délivré de tout souci, et au surplus bien chez soi, en famille. J’espère que ces quelques jours de vacances auront fait du bien à tous, spécialement à toi-même et au cher papa. C’est dommage que vous n’ayez pu prolonger votre séjour et c’est surtout dommage que vous ne preniez pas plus souvent quelques jours de repos ; et j’espère bien que maintenant que vous connaissez l’adresse du « petit coin » idéal, vous y retournerez bientôt !

Je ne suis pas moins heureux, ma chère mother, de voir par ta lettre que tu envisages avec plus de calme et de confiance le retour et l’état de notre chère Tensette. Tu en avais l’air si remuée et effrayée dans ta dernière lettre – ce qui était d’ailleurs compréhensible – que j’en étais tout bouleversé moi-même. J’espère que l’heureuse arrivée de notre petite Tensette avec la petite Alice aura achevé, si pas de dissiper, du moins de calmer tes appréhensions et celles de papa, et que Dieu vous a encore donné la force de supporter cette épreuve nouvelle et d’attendre les événements avec courage et confiance.
Le principal est que l’accouchement se passe bien, après cela … on verra. J’ai pleine confiance pour le premier point, pour toutes les raisons que je te décris dans ma précédente lettre, et … bon espoir pour la suite.

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Lettre 13




Lemera, 21/9/28

                       Mon bien cher papa,

Je n’avais pas terminé ma lettre à mother que je reçois la tienne du 10 août.
Tensette est donc à Liège à cette heure ! Puisse dieu faire que cet événement n’apporte que du bonheur à tous ; comme j’attendrai impatiemment des nouvelles !

Voilà le pauvre oncle Jo sans doute parti. C’est une délivrance – on ne peut guère s’en attrister. Pourvu que les neveux respectent au moins sa mémoire, question héritage. Il y en a bien qui sont capables de se quereller !

Je suis vraiment peiné de la triste nouvelle que tu m’apprends : la rupture des fiançailles de Germaine.
Pauvre petite Germaine, elle méritait mieux. Il est cynique ce jeune homme qui prend une jeune fille pour un médicament que l’on rejette quand ça ne plaît plus … la cure ne lui semblait pas efficace ? Il y a des gens qu’on devrait enfermer pour abus de confiance, ils sont plus dangereux que les voleurs de grands chemins !
Vraiment, le malheur s’acharne sur Terpoorten. La maladie de Marthe – est-elle guérie au moins ? – et ceci maintenant ; ce n’est pas ce qu’il fallait au caractère énigmatique et renfermé de Germaine ; elle va certainement se faire plus de chagrin que cela n’en vaut … pauvre petite, ce n’est pas gai pour elle, ni pour tante Gaby et oncle Albert, ni pour ses frères et sœurs, les ennuis mondains à part même. Je lui souhaite qu’un brave garçon la console bientôt. Pourquoi pas ?

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Lettre 12




Terminé à Tshamudongo, le 4/9/28

             Mon cher papa, ma chère mother,

J’ai terminé mon journal, il y a près d’un mois, à Nyabiunguve.
J’attendais, je pense, là-bas le chef Muteza. Je pouvais l’attendre longtemps : mon soldat parti à sa recherche revint me dire que Muteza était un jeune infirme, sourd et muet … Sur quoi, furieux, j’ai « pondu » une lettre officielle à l’administrateur du territoire et en ai envoyé copie avec une autre lettre au Commissaire de District … Résultat : « cigare » de dimension pour l’administrateur et envoi de tous les notables et de 20 policiers à Nyabiunguve ! Grâce au notable que j’avais ??? Illisible les premiers jours, j’avais 15 travailleurs par jour … et mon signal était presque terminé … les autres notables l’achevèrent eux-mêmes et les policiers me fournirent les porteurs pour le lendemain …

Ces policiers valent la peine d’être vus ! Ils ont tous le bambou qu’ils manœuvrent comme un fusil, un couteau indigène comme baïonnette, un coffre en osier comme sac et un uniforme bleu, fez rouge, avec beaucoup de … fantaisies. Il n’ont pas grand chose à dire, à part de rares exceptions, mais ????

A Idjwi, Makangala où je me rendis ensuite, cela alla très vite ; il y avait à proximité assez de stocks pour construire 3 signaux et des bambous par centaines dont je ne savais que faire, toujours effet de la lettre…

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Lettre 11




Katshubhu, le 27 juillet 1928

                          Mon bien cher papa, ma bien chère mother,

Je pense que je vous ai quittés, il y a 15 jours, à la rivière Mobimbi ; je vais vous conter mon voyage dans l’île d’Idjwi.

J’attendais à la Mobimbi le steamer ( ?), mais pas de bateau le mardi, ni le mercredi matin. J’avais des pirogues dont plusieurs fort grandes et vers 9h la … flottille se mit en route. Il y avait 6 grandes pirogues pour moi, mon personnel et mes bagages (sauf Philibert et le palefrenier envoyés m’attendre à Kalehe), plus 2 grandes pirogues pour le chef Biglimani qui voulait absolument m’accompagner … ça faisait 8 embarcations avec une soixantaine de pagayeurs. Moi-même, j’avais une grande pirogue de 11 pagayeurs et on allait bon train. Heureusement car nous étions partis tard et il y a 5 heures de traversée, dont 3h ½ très loin de la rive.

Vers 13h ½, on s’arrêta à la petite île de Ndagambwa et à 15h 1/2 , nous accostions au Nord de l’île Idjwi, au poste à bois du steamer : Kihumba. Il était temps, car le lac devenait très mauvais. Le « capitaine » du steamer avait accosté là le matin, et était parti à Kisenyi, comptant me prendre le jeudi à la Mobimbi … Il paraît qu’il ma cherché pendant deux heures à la rive le jeudi … il aura juré ! moi, j’étais déjà à Moganzu, à 1h ½ de Kihumba et sur une crête, en train de construire le signal.
La population d’Idjwi est un ramassis de toutes sortes. Tous les indésirables des rives du Kivu se sont, depuis longue date, donné rendez-vous là-bas. Il y a des Bas … (illisible), des Banyabongo, des Bahavu et beaucoup de Banyawas. On y parle tous les dialectes du Kivu, mais surtout le kinyarwanda dans le Nord et le Bashi dans le Sud, avec certaines différences.
Les gens sont encore peu soumis au chef et à l’européen. Cela découle de leur origine même et du pays qui est  ….(illisible)

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Lettre 10




La Molimbi, le 10 juillet 1928.

                                                                              Mon bien cher papa, ma très chère mother,



En attendant le bateau qui doit me transporter d’ici à l’île Idjwi, je vais bavarder un peu avec vous et vous conter quelques détails sur mon voyage depuis que j’ai quitté Kigali, après mon long séjour là-bas avec le major Hoier et l’ami Coubeau.
Je fis le même voyage qu’en avril 1925 … un peu plus confortablement à cause de Philibert !
1ère étape Frimera avec la montée du Djari.

2ème étape Munyachima : on passe, à moitié chemin, au pied de la mission de Rulindo ( Pères Blancs ) et on entre en territoire de Ruhengeri en passant le pont en briques de la Basse. Le gîte est joli et très confortable : maison en briques et tuiles, légumes et fraises au potager du gîte ; c’est la même chose au gîte d’Akimondo, où l’on arrive le 3ème jour, après la grimpette et la redescente du Mont Kabuye ?
De là, on a, en saison des pluies, une vue splendide sur les volcans, mais maintenant on ne voyait pas à 10 km tant les brumes sont fortes. Il pleut cependant beaucoup dans cette région qui, du fait, est très prospère et ne connaît jamais la disette.
Les habitants (des Balera) sont difficiles à conduire, mais solides et travailleurs … autant que peut être un nègre !

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Lettre 9




Kisenyi, le 4/7/28

                                                                           Ma bien chère mother,

Je comptais écrire une longue longue lettre avec quelques détails sur mon « safari » de Kigali à ici et les changements de Kisenyi et environs depuis avril 1925, lors de mon premier passage.

Mais voilà que l’on m’annonce un départ de courrier et que, ce soir, je dois partir en pirogue pour l’autre côté du Lac à Kateruzi (baie de Sake) ; je remets donc la tartine à quelques jours, car je veux absolument qu’arrivent à temps mes vœux les plus sincères et les plus affectueux d’heureuse fête pour toi !

C’est toujours avec plaisir que l’on voit revenir cette date à laquelle nous avons l’occasion de t’exprimer toute notre reconnaissance et toute notre affection. Je m’unis à tous, ma chère mother, pour prier Dieu de t’accorder ses grâces et ses bénédictions et pour crier « Vive notre chère maman, vive Ste Irma ! ».

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Lettre 8




Kigali, le 30 mai 1928


                                       Mon bien cher papa,

J’ai reçu, le jour de Pentecôte, la bonne carte collective du jour de Pâques. Merci beaucoup à tous pour leurs affectueux souvenirs et bons souhaits.

Je suis arrivé hier à Kigali, où j’ai retrouvé le major Hoier. Il me prie de le rappeler à votre souvenir. Sa femme et Grethe insistent tellement pour qu’il rentre, que je pense qu’il va se décider. Dans ce cas, il reviendrait encore pour deux ans, mais probablement plus ici.

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Lettre 7

Région Sangu, 20 mai 1928

                                                               Ma bien chère mother,



Ta bonne longue lettre avec toutes les petites nouvelles de la famille et de la maison m’a fait le plus grand plaisir.

Voilà donc Charles près de quitter Beverloo. Aura-t-il un congé avant de retourner au Séminaire ?
Je pense qu’il ne gardera pas un trop mauvais souvenir de son service militaire, qui ne fut pas trop dur et que coupèrent de nombreux petits congés !

J’espère que les résultats des écoliers auront été brillants et qu’il auront pensé à m’écrire pendant les vacances de Pâques ! Est-ce que le soleil a daigné se montrer pendant les vacances ?

D’après ce que papa et toi-même me dites de Dédé, il doit être bien intéressant et gentil et toujours le grand favori de tous !… surtout du grand-père ! Marie m’a promis de m’envoyer des photos des deux petits, je me réjouis d’en recevoir.

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